Nos métiers
face au Covid

Regards croisés de
nos collaborateurs

ELVIRE CHESSEX

Infirmière référente, puis affectée à Rennaz comme gestionnaire de prestations

Infirmière référente, c’est dans cette fonction que j’aurais dû normalement vivre l’épidémie de Covid. Mais j’étais enceinte lors de la deuxième vague et mon médecin m’a enjoint de renoncer provisoirement au travail de terrain. J’ai alors été affectée au CMS de Rennaz comme gestionnaire de prestations. Il s’agissait notamment d’organiser, avec les planificatrices, la prise en charge des clients qui présentaient des symptômes de la maladie ou qui étaient testés positifs. Dès lors, les équipes terrain habituelles se retiraient pour laisser la place à l’Equipe Covid. Notre rôle était aussi d’assurer les retours d’hospitalisation post-Covid parfois accompagnés d’oxygénation à domicile.

J’ai donc appris un nouveau métier sur le tas! Analyse à distance, identification des besoins des clients (tout le monde ne présentait pas les mêmes symptômes), évaluation de la situation familiale, tout cela a remplacé les soins infirmiers proprement dits dans mon quotidien professionnel.

J’ai été particulièrement touchée en voyant les effets de l’isolement sur certaines personnes déjà très atteintes dans leur santé avant l’épidémie – parfois en soins palliatifs – qui se retrouvaient privées de tout contact avec leurs proches à cause des strictes procédures prophylactiques. Il y a sans doute une réflexion à mener sur la manière dont on prend en compte ces enjeux psychosociaux dans une crise globale comme celle que nous avons vécue. Mais je voudrais aussi souligner la qualité et l’efficacité des contacts que nous avons eus avec les médecins traitants et les infirmières de liaison à l’hôpital. 

LAURENT HYVERT

Responsable d’équipe, Chaussy

Dans cette crise sanitaire où l’on a poussé au maximum le télétravail, c’est le temps d’échange entre les personnes qui manque le plus. J’ai mis en place des minis-colloques répartis sur la semaine avec trois ou quatre collaborateurs-trices. Pour maintenir le flux des informations, je me devais d’être présent sur le site –  les personnes qui venaient chercher du matériel venaient aussi exprimer leurs vécus. Les colloques infirmiers étaient encore possibles dans un petit CMS comme Chaussy, et les PV étaient transmis à tous les collaborateurs du CMS. Avec des collaboratrices connaissant parfaitement le terrain comme les clients, la planification, même à distance, a continué à bien fonctionner.

Nous avons amélioré notre agilité et notre capacité à trouver des solutions dans un temps court. Nous avons appris à mieux anticiper afin de prendre des décisions rapides en cas d’urgence. Par la mise en place d’unités dédiées (pool-covid), ASANTE SANA a dissocié le fonctionnement de crise de l’activité quotidienne habituelle. Ce résultat n’aurait jamais été possible sans la disponibilité et le dynamisme dont chacun a fait preuve. Nous avons des équipes exceptionnelles!

VALÉRIE FORESTIER

Planificatrice, CMS de La Gryonne

Lors de la première vague, toute la planification a dû se réinventer. J’ai été impressionnée par le nombre d’ordinateurs mis à disposition en temps record pour le télétravail. Nous avons aussi mis en place de nouvelles procédures de contact rapides – groupes What’sApp, fichier Excel sur intranet répertoriant les informations nécessaires à tous.

Il fallait repartir de zéro. Qu’est-ce qui était essentiel? Quelles prestations pouvait-on provisoirement suspendre? Comment conserver un niveau d’aide et de confort acceptable pour nos clients? Nous avons beaucoup évoqué ces questions, dans un dialogue constant avec les infirmières référentes. Nous avons aussi appris l’adaptation en temps réel et en continu, le recul face au stress, le lâcher-prise devant ce qu’on ne maîtrise pas.

Dans l’environnement familial, avec mon mari en télétravail et deux enfants suivant partiellement leur scolarité à distance, nous nous sommes retrouvés avec trois bureaux à la maison – la gestion de cette petite «PME domestique» a été plutôt sportive  – d’autant que j’ai été atteinte par le virus, avec certains symptômes persistant plusieurs mois.

AURÉLIE THOMAS

Diététicienne à Montreux, Clarens et La Tour-de-Peilz

Les prestations aux clients ont été suspendues du jour au lendemain en mars lorsque celles-ci n’étaient pas considérées comme urgentes. Je me suis retrouvée à la maison, en assurant le suivi des clients par téléphone durant quelques semaines, comme mes trois collègues. Nous n’échappions pas aux questions et aux angoisses qui naissaient de la situation de flou qui régnait au début de l’épidémie –  même si nous étions soulagées de ne pas être au front. Puis les choses se sont peu à peu mises en place. 

Avec le recul, on voit que chaque personne, autant nous que les clients, a réussi à s’adapter avec ses propres ressources et que des solutions ont été trouvées. On a appris à relativiser.

Après la première vague, soit à fin avril, les prestations diététiques ont repris. Avec l’accueil chaleureux et touchant de clients si heureux de nous revoir, nous avons vécu cette reprise comme un renouveau de la prise en charge. 

Durant le premier confinement, la situation nutritionnelle s’est largement péjorée chez les clients qui se sont retrouvés souvent isolés, sans pouvoir sortir. Nous en avons mesuré toutes les conséquences durant l’été. En octobre est arrivée la deuxième vague. Nous avons pu reprendre le suivi à domicile, dont celui de nouveaux clients testés positifs au Covid, situations caractérisées souvent par des pertes de goût et d’odorat pouvant impacter durablement les habitudes alimentaires.

Ce qui est ressorti clairement: notre travail est fait de contact humain, le téléphone ne remplace pas le suivi de visu, même s’il a permis de garder le lien. Les visites à domicile sont essentielles pour maintenir ce contact direct avec le client.

DIMITRI PERCHE

Ergothérapeute, Montreux

Je suis arrivé à ASANTE SANA en janvier 2020. Lors du premier confinement, l’ergothérapie n’était plus considérée comme prestation essentielle, sauf pour les prises en charge urgentes. Le lien demeurait par téléphone, ce que les clients ont assez mal vécu. 

Nous avons réalisé l’importance de l’ergothérapie pour les clients. Les deux mois d’absence de suivi l’ont prouvé, donnant encore plus de sens à nos interventions et à notre présence au quotidien. Un déconditionnement physique et psychique a souvent été observé, comme par exemple pour la stimulation à la marche, avec la perspective, parfois, de devoir tout recommencer à zéro. 

Le premier confinement a permis de prendre conscience du travail réalisé par les auxiliaires de santé et de leur quotidien. On nous a manifesté beaucoup de gratitude pour les courses. Les clients offraient un café, proposaient même un pourboire.  

Le vrai défi est de motiver nos clients à poursuivre leurs efforts en dépit des restrictions sanitaires et de la perte du lien social. Un problème qui ne se résoudra pas du jour au lendemain.

STÉPHANIE PILLOT

Infirmière pooliste, Rennaz

J’ai intégré l’équipe COVID en tant que RESOP (Responsable opérationnelle qui analyse les demandes, établit le diagnostic et les transmet). La devise était d’avancer un pas après l’autre, comme sur un fil, pour assurer la continuité des soins dans un climat de changement permanent. Et d’adapter les soins au fur et à mesure des informations au sujet de ce nouveau virus. A cet égard, les premières prises en charge de personnes atteintes du COVID m’ont marquée – la crainte de propager la maladie en allant faire ensuite des soins chez d’autres personnes était très réelle.

Tant personnellement que professionnellement, j’ai beaucoup appris: à être réactive, à gérer le stress, à faire plus que jamais preuve de bon sens. A faire de mon mieux même si toutes les informations ne sont pas disponibles. A maintenir le lien et s’entraider avec les collègues.

D’un point de vue technique, de nouveaux protocoles ont été mis en place, comme le protocole naso-pharyngé pour effectuer les tests COVID et fournir l’apport d’oxygène à domicile.

Je dirais enfin que la crise sanitaire a rendu plus nécessaire que jamais la rencontre avec les patients, leur accompagnement et la prise en compte leur entourage, dans leurs questionnements et leurs inquiétudes. 

MARIE UROZ

Aide familiale, Vevey

Pour des raisons de santé, j’ai dû être arrêtée au début de la pandémie et cela a eu un impact très dur sur mon quotidien. J’ai eu l’impression d’abandonner mes collègues et les clients au moment où on avait le plus besoin les uns des autres. Puis, en travaillant sur moi, j’ai accepté la situation.

Le port du masque a eu des conséquences importantes sur la communication avec nos clients: ils nous entendent moins bien et ne peuvent voir les sourires sur nos visages qui leur font tellement de bien. 

La gentillesse et l’empathie de certains de nos clients, surtout de personnes d’un âge avancé, m’ont touchée: ils se faisaient du souci pour notre santé physique et mentale et se sentaient coupables que nous intervenions pour de «petites» prestations comme la pose de bas de contention ou la prise de médicaments. S’ils n’avaient pas revu une collègue depuis quelque temps, ils demandaient de ses nouvelles. Des attentions, des gestes qui jour après jour nous confirment que nous avons la chance d’exercer un métier aussi enrichissant. 

J’ai appris à avoir davantage confiance en moi face à l’inconnu, à aller de l’avant. Dans notre profession tout est organisé, structuré et là, il a fallu dans certaines occasions faire preuve de créativité face aux imprévus. Mes collègues ont joué un grand rôle en étant toujours à l’écoute, tout comme nos responsables d’équipe. Finalement, nous sommes tous sur le même bateau pour  veiller au mieux au confort de nos clients.

CHANTAL COMPONDU

Assistante sociale, Montreux

Dès le début de la crise sanitaire il est devenu évident que le personnel soignant, aussi bien à l’hôpital que dans les soins à domicile, serait profondément impacté dans ses relations avec les patients et les processus de prise en charge. Cependant, pour moi en tout cas, cet impact a été heureusement limité.

Pendant la première vague, comme d’autres collègues, j’ai été amenée à gérer les courses de quelques clients mais fondamentalement mon travail est resté le même: les accompagner dans leurs démarches administratives, trouver des solutions pour financer certaines prestations, assurer le paiement régulier du loyer et des factures. Je n’ai eu aucun client atteint du Covid; en revanche, j’ai connu plusieurs cas où le-la proche aidant-e était touché-e, ce qui génère beaucoup de questions et d’angoisses, sans parler des problèmes pratiques.

C’est peut-être quelque chose que le flot continu des informations médiatiques sur les contaminations et les restrictions sanitaires nous font parfois oublier: l’isolement et la précarité sociales étaient déjà présents chez nous bien avant l’arrivée de l’épidémie.

SÉBASTIEN FONTENLOS

Assistant en soins et santé communautaires, Montreux

Le confinement nous a obligés à réorganiser le quotidien. La première vague a pris tout le monde de court, on ne savait pas à quoi s’attendre. De nouvelles habitudes de vie se sont installées, des préoccupations différentes ont fait surface. 

Au niveau professionnel, il a fallu s’adapter aux changements et aux nouvelles consignes, nous étions tout le temps en première ligne. La peur, le doute, l’angoisse et aussi la solitude se sont installés chez beaucoup de nos clients.  Le CMS a eu un rôle important à jouer en apportant du réconfort lors des interventions. 

Il s’agissait aussi de faire face à une pandémie qui évoluait jour après jour, avec bien sûr les gestes barrière, la désinfection des mains en permanence et le port du masque. Nous avons dû d’ailleurs parfois rassurer les clients destabilisés par cet accessoire cachant les expressions du visage.

Pour le matériel (masques, blouses, gants, gel désinfectant), la vigilance était de mise. La distribution était sévèrement limitée au début et chaque semaine, nous suivions au plus près l’état des stocks.

Tant professionnellement que personnellement, j’ai vécu à travers cette crise sanitaire un apprentissage et une redécouverte: j’ai appris à prendre conscience de mon état d’esprit et de ma «météo interne» du jour, à composer avec mes peurs et angoisses comme avec la fatigue. Et cela m’a aussi ramené au plus important: prendre du temps pour les gens proches et moins proches, développer toujours plus l’empathie et retrouver la simplicité. On se complique trop la vie!  Et enfin je me suis redécouvert une nouvelle motivation pour mon métier.